Henri Fatin - Latour
Né à Grenoble, il étudie
avec son père Théodore Fantin-Latour (1805-1875), peintre. En 1850, il quitte Grenoble et s'installe à Paris où
il s'inscrit à la petite École de dessin de Paris
avec Louis-Alexandre Péron et Horace
Lecoq de Boisbaudran un instructeur innovant et non traditionnel qui a développé et publié sa propre méthode d'enseignement unique basée sur la peinture et le dessin de mémoire1.
Il entre à l'École
des beaux-arts en 1854. Il a pour condisciples Edgar Degas, Alphonse Legros et Jean-Charles Cazin.
En 1861, il fréquente brièvement l'atelier
Un tableau de cette époque le représente avec
Au début de sa carrière, entre 1854 et 1861, il exécute un grand nombre d'autoportraits à la craie, au fusain et à l'huile4. Il s'est vu refuser
l'un d'eux au Salon de 1859. Il y participe à nouveau avec La Liseuse en 1861. Ce sujet lui permet de
dépeindre un personnage, absorbé par une activité qui le laisse indifférent au travail de l'artiste et au regard du spectateur5.
Membre du groupe dit « de 1863 », puis du Cénacle des Batignolles d'où surgira
l'Impressionnisme, il est un peu, remarquait Gustave Kahn, le chaînon qui unit les
peintres d'aujourd'hui à la peinture romantique6.
qu'il rencontre en 1858 au Louvre,
il
effectue plusieurs séjours à Londres de 1859 à 1881.
mortes jouent un rôle capital dans sa carrière.
de nombreux amateurs pour ses compositions
de fleurs et de fruits, à une époque où
la peinture impressionniste française y était
peu appréciée. Whistler l'a mis en relation
c'est à Londres, qu'il apprend à graver1.
Il rend visite aux Edwards à Sunbury en 1861,
lors de sa seconde visite en Angleterre et à
nouveau en 18647. En 1862, une de ses natures
de Londres. C'était la première d'une longue
série,
car ensuite il en a présenté plusieurs presque chaque année et qui occupaient
invariablement une
place de choix dans le
bâtiment des expositions. Lors de son troisième
voyage en Angleterre, il y séjourne de juillet
à octobre et y peint à nouveau des natures
mortes8. Achats et commandes se succèdent,
lui assurant une réussite commerciale.
Ses natures mortes peuvent étonner
à l'époque des impressionnistes, cependant, le choix d'un tel sujet n'est pas aussi innocent qu'il n'y paraît. Dans la hiérarchie des genres édictée par l'Académie
des Beaux-arts depuis le XVIIe siècle, la nature morte de fruits ou de fleurs est reléguée au bas de l'échelle. En se libérant de tout prétexte littéraire, religieux ou historique (censé conférer
valeur et noblesse à l’œuvre), il prend le contrepied des principes académiques9. Celle du Metropolitan
Museum, Nature morte avec fleurs et fruits de 1866, est l'une des quatre qui lui ont été commandées par Michael Spartali, homme d'affaires et diplomate grec ayant vécu à Londres. Il travaille sur ces
toiles de mars à septembre 1866, exposant l'une d'entre elles au Salon de Paris de cette année. Elle est aujourd'hui
à la National Gallery of Art à Washington.
Edwin et Ruth Edwards, ses mécènes et marchands anglais lui recommandent d'utiliser toujours des vases simples et des plateaux de table simples afin de mettre en valeur sa grande habileté à rendre la texture et la couleur10.
Elles sont chaleureusement accueillies également aux Pays-Bas où lors de l'Exposition
des maîtres vivants de 1899 à Amsterdam, une petite nature morte avec des roses a coûté 2 000,00 florins, une somme considérable pour l'époque.
Des marchands d'art comme E.J. van Wisselingh et Huinck & Scherjon, tous deux situés à Amsterdam, ont régulièrement stocké des œuvres de Fantin-Latour jusque dans les années 1930. Une grande partie de son
travail s'est retrouvée dans des musées néerlandais tels que le Rijksmuseum à Amsterdam et le Musée Kröller-Müller à Otterlo grâce à
des dons et legs8.
Manet
Renoir
Monet
Edwin
Edwards
écrit à : « Nous formons un groupe et faisons du bruit parce qu'il y a beaucoup de peintres et qu'on en oublie facilement
un. Quand nous nous réunissons... nous gagnons en nombre et devenons plus aventureux. Je pensais que cela pouvait durer, c'était mon erreur »
1
En 1867, il fait également partie des 9 membres de la « Société japonaise du Jinglar » avec Carolus-Duran qui
a fait son portrait à deux reprises en 186111, et les céramistes Bracquemond et Solon, qui se réunissaient pour dîner à la japonaise. « On éprouvait
toujours en l'abordant un petit sentiment de frayeur, à cause de ces façons rudes que les artistes de sa génération affectaient souvent comme inséparables d'une noble indépendance », dira Blanche, un ami peintre de la génération suivante12.
Fantin rénove le portrait collectif avec de grands tableaux-manifestes : Hommage
à Delacroix, 1864 ; Le Toast13,
hommage aux peintres réalistes, 1865, qu'il détruisit lui-même en ne conservant que les fragments de trois portraits conservés à la Freer Callery de Washington14,
au musée d'Orsay15 et son autoportrait dans une collection privée
néerlandaise ; Un atelier aux Batignolles, hommage à Manet,
1870 ; Un coin de table, hommage aux poètes parnassiens, 1872, dont Verlaine et Rimbaud ; Autour du piano, hommage aux musiciens et musicologues, 1885.
Dans Un atelier aux Batignolles, Manet au centre peint, avec autour de lui de gauche droite Otto Scholderer, Auguste Renoir, Zacharie
Astruc, Emile Zola, Edmond Maître, Frédéric Bazille et Claude Monet. Cette toile témoigne des liens qu'il
entretient avec l'avant-garde de l'époque et Manet en particulier et est un écho à l'opinion de Zola sur Manet : « Autour
du peintre vilipendé par le public s'est créé un front commun de peintres et d'écrivains le revendiquant comme un maître ». Edmond
de Goncourt, lui, raille dans son journal celui qu'il nomme « le distributeur de gloire aux génies de brasserie ».
Selon la liste de tableaux établie par
sa femme, en 1874, il réalise trente et une compositions de fleurs et de fruits. Nature morte avec pensées, conservées au Metropolitan Museum de New York est l'un d'elles16.
Il épouse en 1876 Victoria Dubourg qui est peintre comme lui. Il passe ensuite ses étés dans
la résidence de la famille de sa femme à Buré en Basse-Normandie.
Ses scènes d'intérieur sont réalisées dans une gamme quasi monochrome de gris et de brun.
En septembre 1880, quand il réalise son tableau Fleurs d'été à Buré,
il a établi une clientèle stable en Grande-Bretagne pour ses peintures exquises d'arrangements floraux informels, disposés dans des vases modestes
et vus sur un fond neutre17.
Entre 1880 et 1887, il inclut des portraits dans ses présentations annuelles au Salon de Paris. Ils ont toujours attiré une grande attention critique et, qu'ils soient commandés ou non, ont rapporté
des prix élevés. Ses portraits de sa femme Victoria Dubourg, ou de ses amis, Manet, Verlaine,
ont un réalisme harmonieux et incisif. C'est aussi le cas de celui de Madame Léon Maître belle-sœur du pianiste Edmond
Maître, l'un de ses plus proches amis18. Mais lors de l'exposition du portrait de sa belle-sœur Charlotte Dubourg en 1882, la critique, plus habituée à
la grandiloquence des portraits d'apparat, est mal à l'aise. Il eut des commentaires comme celui de Maurice Hamel dans la Gazette des beaux-arts de juin 1887 : « Sans doute, on y admire les hautes qualités du peintre, finesse d'harmonie, plénitude du modelé. Mais
on dirait que la volonté de l'artiste s'est disséminée trop également sur les détails au lieu de mettre habilement en lumière l'intérêt capital des physionomies »19.
plus des portraits et des natures mortes,
il a réalisé de nombreux tableaux et plus de
150 estampes fantastiques aux visions
oniriques, ouvrant la voie aux
il cherche à la transcrire par des peintures
fluides exécutées en longues touches
(Trois filles du Rhin, 1876), et lui consacre
la plupart de ses lithographies1.
En décembre 1896, il
fait partie des membres
Son tableau de La Nuit lui assure le succès critique et la reconnaissance
des milieux officiels. Il est acheté par l'État dès sa présentation au Salon de 1897, tandis que dans Le Journal du 9 avril, le critique Gustave Geffroy écrit : « La Nuit : jamais corps de femme ne reposa plus doucement dans un ciel de peinture sur les nuées souples
et enroulées comme des vagues »21.
Comme de nombreux peintres de son époque, il s'est intéressé
à la photographie, réalisant des prises de vues pour son travail. Il a aussi été un gros collectionneur de photos érotiques, sa succession
en recense plus de 1 400 qui sont conservées au musée de Grenoble22,23.
Mort le 25 août 1904 à Buré,
il est enterré à Paris au cimetière du Montparnasse
Mis
en page le 5 juillet 2022
.