Léonardo da vinci
Enfance
Léonard de Vinci est né dans la nuit
du vendredi 14 avril 1452 entre neuf heures et dix heures et demie du soir1,N
1. La tradition établit cette naissance dans une petite maison de métayer du petit village toscan d’Anchiano,
un hameau voisin de la ville de Vinci ; mais peut-être est-il né à Vinci même3. L'enfant est le fruit d’une relation amoureuse illégitime entre Messer
Piero Fruosino di Antonio da VinciN 2, notaire âgé
de 25 ans et descendant d’une famille de notaires, et une jeune femme de 22 ans nommée Caterina di Meo LippiN 3,3.
Ser
Piero da VinciN 4 est issu d'une famille de notaires depuis quatre générations au moins ; son grand-père
devient même chancelier de la ville de Florence. Cependant, Antonio, père de ser Piero
et grand-père de Léonard, se marie avec une fille de notaire et préfère se retirer à Vinci pour y mener une paisible vie de gentilhomme
campagnard en profitant de rentes que lui rapportent les métairies qu'il possède dans la petite ville. Même si certains documents le nomment avec la particule Ser, il n'a officiellement
pas droit à ce titre dans les documents officiels : tout semble prouver qu'il n'a pas de diplôme et qu'il n'a même jamais exercé de profession définie6.
Ser Piero, le fils d’Antonio et père de Léonard, reprend le flambeau de ses ascendants et trouve le succès à Pistoie puis à Pise pour s’installer, vers 1451, à Florence. Son bureau se trouve au palais
du Podestat, le bâtiment des magistrats qui fait face au palazzo Vecchio, le siège du gouvernement, alors appelé Palazzo della Signoria. Des monastères, des ordres religieux, la communauté juive de la ville et même les Médicis font
appel à ses services7,6.
Pourtant qualifiée de « fille
de bonne famille » par le biographe Anonimo Gaddiano, la mère de Léonard, Caterina, serait selon la tradition fille de paysans pauvres et, donc,
fort éloignée de la classe sociale de ser Piero. D'après les conclusions disputées d'une étude dactyloscopique de 2006, elle pourrait être une esclave venue du Moyen-OrientN
5. Depuis 2017, des recherches menées sur les documents communaux et paroissiaux ou sur les registres fiscaux tendent cependant à l'identifier à Caterina di
Meo Lippi, fille de petits cultivateurs, née en 1436 et orpheline à l’âge de 14 ans9,10.
Village de Vinci et l'église dans laquelle Léonard a été baptisé11.
Léonard semble être baptisé le dimanche suivant sa naissance1.
La cérémonie a lieu dans l'église de Vinci par le curé de la paroisse, en présence de notables de la ville et d'aristocrates importants des environs. Dix parrains — un nombre exceptionnel —, témoignent
du baptême : ils habitent tous le village de Vinci et on compte notamment Piero di Malvolto, le parrain de ser Piero et propriétaire de la ferme natale de Léonard1,4.
Le lendemain du baptême, ser Piero retourne à ses affaires à Florence. Ce faisant, il prend des dispositions pour que Caterina se marie rapidement avec un fermier et chaufournier local
ami de la famille de Vinci, Antonio di Piero del Vaccha dit « Accattabriga (bagarreur) » : peut-être agit-il ainsi pour éviter les commérages pour avoir abandonné
une mère et son enfant12. Il semble que l'enfant soit resté auprès de sa mère
le temps du sevrage — soit environ 18 mois —, puis ait été confié à son grand-père paternel chez qui il passe les 4 années suivantes en compagnie notamment de son oncle Francesco13. Les familles maternelle et paternelle demeurent en bons termes : Accattabriga travaille dans un four loué par ser Piero et
ils apparaissent régulièrement comme témoins dans des contrats et actes notariés les uns pour les autres14,15. De fait, les
souvenirs d'enfance relatés par Léonard adulte permettent de comprendre qu'il se considère comme un enfant de l'amour. Il écrit ainsi à son propos : « Si le coït se fait avec grand amour et grand désir l'un de l'autre, alors l'enfant sera de grande intelligence et plein d'esprit, de vivacité et de grâce »16.
À cinq ans, en 1457, Léonard rejoint la maison de sa famille paternelle à Vinci. Pourvue d'un petit jardin, la maison est cossue et se trouve au cœur de la ville, juste à côté des murailles
du château. Ser Piero a épousé la jeune fille d'un riche cordonnier de Florence, âgée de 16 ans, Albiera degli Amadori, mais elle meurt très
jeune en couches, en 146417.
Ser Piero se marie quatre autres fois. Des deux derniers mariages naissent ses dix frères et deux sœurs légitimes18.
Léonard semble entretenir de bonnes relations avec ses belles-mères successives : ainsi, Albiera porte une affection particulière à l'enfant19.
De même, qualifie-t-il dans une note la dernière femme de son père, Lucrezia Guglielmo Cortigiani, de « chère et douce mère »19,9.
Blason de la famille da
Vinci.
Léonard n'est pas élevé par ses parents : son père réside principalement à Florence et sa mère s’occupe des cinq autres
enfants qu'elle a après son mariage. Ce sont plutôt son oncle Francesco de 15 ans son aîné et ses grands-parents paternels qui assurent son éducation. Ainsi, son grand-père Antonio, oisif passionné, lui donne
le goût de l'observation de la nature, lui répétant constamment « Po l’occhio ! (« Ouvre l’œil ! ») »20. De même, sa grand-mère Lucia di ser Piero di Zoso est très proche de lui : céramiste, elle est peut-être la personne qui l'initie aux arts21.
Par ailleurs, il reçoit une éducation assez libre avec les autres villageois de son âge dans laquelle il apprend notamment à lire et à écrire22,23.
Vers 1462, Léonard rejoint son père et Albiera à Florence. Bien que son père le considère dès sa naissance comme son fils à part entière24, il ne légitime pas Léonard qui ne peut donc accéder au notariat25,26.
De plus, appartenant à une catégorie sociale intermédiaire entre dotti et non dotti, il ne peut fréquenter une de ces
écoles latines dans lesquelles est dispensé l'enseignement des lettres classiques et des humanités : elles restent réservées aux futurs membres des professions libérales et marchands de bonnes familles du début
de la Renaissance27.
C'est donc à l'âge de dix ans qu'il entre dans une scuola d’abaco (une « école d'arithmétique »)
destinée aux fils de commerçants et d'artisans22,N 6 où il apprend des rudiments de lecture, d'écriture et surtout d'arithmétique.
Le cursus normal y étant de deux ans, Léonard en sort vers 1464, l'année de ses douze ans — âge auquel il est envoyé en apprentissage dans l'atelier
d'Andrea del Verrocchio26.
Son orthographe, qualifiée de « pur chaos » par l'historien des sciences Giorgio de Santillana, témoigne ainsi de ses lacunes28. De même, il n'étudie ni le grec ni le latin qui,
en tant que supports exclusifs à la science, sont pourtant essentiels à l'acquisition des connaissances théoriques scientifiques : il n'apprendra le latin — et encore, imparfaitement — qu'en autodidacte, et seulement à l'âge de 40 ans29.
Pour Léonard, avant tout libre penseur et adversaire de la pensée traditionnelle, cette éducation lacunaire restera par la suite
un sujet sensible : face aux attaques du monde intellectuel, il se présentera volontiers comme un « homme sans lettres », disciple de l’expérience et
de l’expérimentation3
Mis en page le 4 juillet 2022